dimanche 24 novembre 2013

Entre le ciel et Lachine

Le 7 juillet 1883, un événement particulier a créé bien des vagues à Lachine, et il n'est pas question des Rapides. Selon ce qui fut rapporté dans certains journaux et revues scientifiques de l'époque, une large météorite serait tombée non loin des berges de Lachine, près de Stoney Point, lors d'une averse.


Mrs. Popham, femme d'un agent d'assurance du nom de John Poham, fut le témoin principal de la chute. Mrs Popham était assise chez elle à l'étage lorsque soudainement, la résidence fut illuminée par un flash aveuglant. La femme alla voir à la fenêtre lorsqu'elle vit une énorme masse de feu descendre vers le sol dans une trajectoire diagonale. Selon elle, la boule de feu avait un noyau solide qui paraissait être de 4 pieds carré. Un bruit étrange aurait également accompagné la chute. En voyant l'objet tomber, Mrs. Popham crût qu'il était pour frapper la maison et selon elle, il n'a pas dû l'éviter de beaucoup.

Simultanément, Mrs. Popham rapporte avoir reçu un choc paralysant allant de la tête aux pieds, comme si elle était en contact avec une batterie à haut voltage qui se déchargeait d'un seul coup.  La brillance du météorite lui causa un aveuglement temporaire et il lui fallut une demie heure avant de pouvoir distinguer les objets environnant. La dame était encore sous le choc et affaiblie par les événements lorsque son mari la trouva plusieurs heures plus tard, en revenant du travail.

Mr. McNaughton, frère de Mrs. Popham, était au rez-de-chaussé lorsque le flash apparut. En regardant par la fenêtre, il a clairement vu la boule de feu tomber dans le canal près de la berge, causant des éclaboussures dans toutes les directions.  Mr. Horace Baby, un voisin, a également vu le flash lumineux mais pas la météorite. Il ressentit un grand choc, et sentit également de l'électricité lui sortir du bout des doigts pendant quelques temps. Près de la moitié du village aurait senti le choc causé par la chute.


Le cottage des Popham se trouvait à environ 70 pieds de la berge de Stoney Point et on estimait que la météorite s'était écrasée dans le canal à 60-90 pieds de la berge, dans environ 20 pieds d'eau. Cependant, de grands vents et l'eau étant devenue trop boueuse on empêché que l'on retrouve quoi que ce soit.

Selon Roger Gagnon, animateur au Planétarium de Montréal, il manquerait d'information pour déterminer par triangulation le point d'impact réel. Les effets électriques décrits pourraient être associés à une météorite ferreuse, mais ils n'ont aucun précédent. Gaétan Cormier, spécialiste en météorites de la Maison de l'Astronomie,  confirme qu'aucuns effets similaires ne sont associés au phénomène et soupçonne les témoignages de l'époque furent embellis par les témoins ou les journalistes.

Que s'est-il donc réellement produit le 7 juillet 1883? Une météorite aux propriétés unique s'est-elle écrasée près de Montréal? Si aucune météorite ne peut produire ces effets, aurions-nous affaire à un autre type d'objet céleste? Le tout n'était-il qu'un exemple d'hystérie collective? Comme le démontre cette image, la berge de Stoney Point s'étend aujourd'hui beaucoup plus dans les eaux du Saint-Laurent qu'à l'époque. Qui sait, les traces d'un contact avec un objet provenant des étoiles se trouvent peut-être encore sous nos pieds...

mardi 12 novembre 2013

Les rois de l'hypothèque


Les lions d’aujourd’hui ne sont plus confinés à leur savane originelle. Ils ont en effet envahi les rues des villes et des banlieues, se perchant en paire devant l’entrée de certaines maisons et commerces. Mais d’où vient donc l'attrait pour ces statues? Pourquoi un lion plutôt qu’un canard? La légende urbaine voulant qu’ils signifient que le propriétaire de la demeure à laquelle ils sont associés a terminé de payer son hypothèque a-t-elle du vrai?
Tout d’abord il faut comprendre que dès les peintures de la préhistoire, l’art occupait une fonction mystique. La croyance voulait que la représentation d’un être donnait à l’artiste pouvoir sur ce dernier, lui permettait de s’attribuer ses qualités. Une statue de lion conserverait donc tous les attributs du fauve, symbole de royauté et de protection depuis des millénaires. 

Le Sphinx de Gizeh en est d’ailleurs probablement l’une des plus ancienne manifestation. Il fait face à l’est, donc au lever du soleil. Ce dernier apportait la vie au Égyptiens, car il était associé à la crue du Nil. Le début de l’année égyptienne selon le calendrier nilotique avait lieu vers le 14 juillet lors de cette crue annuelle, soit peu après le solstice d’été. Selon Plutarque, le soleil se trouvait à cette période de l’année dans le signe zodiaque du Lion, expliquant pourquoi des fontaines sous formes de gueule de lion étaient sculptées afin d'apporter l'eau du Nil aux Égyptiens. Le lion, principale composante du Sphinx, est donc analogue à l’astre dont il reprend la crinière dorée. Le pharaon s'ajoute à cette representation du lion-dieu solaire afin de veiller à la prospérité des Égyptiens.
Le lien lion/soleil se retrouve également dans la représentation du dieu Aker en paire de lion surveillant l'horizon, l'un avalant le soleil et l'autre le recrachant. Selon que que rapporte Horapollon dans sa Hieroglyphica, le lion était également déjà placé aux portes comme moyen de protection à cette époque:
"Voulant écrire celui qui veille, ou bien le gardien, ils dessinent une tête de lion, parce que le lion ferme les yeux quand il veille et les tient ouverts quand il dort, ce qui est le signe qu'il fait bonne garde. C'est pourquoi ils mettent des lions aux serrures des temples pour symboliser des gardiens." 
Des statues de lion gardiens se retrouvent à travers pratiquement toutes les civilisations antiques du Proche-Orient. Des fouilles archéologiques dans l'ancienne cité de Suse (en Iran actuel) on mis à jour une statue de lion gardien en calcaire datant du règne de Puzur-Inshushinak (XXIIIe - XXIIe siècle av. J.-C.).

 
Les Porte des Lions de Hattusa du royaume d'Anatolie (Turquie) datant de 1650 av. J.-C. en l'honneur du Dieu de l'Orage et de la Déesse Soleil en sont un autre exemple.


La Porte des Lions de Mycènes, ville fondée selon la légende par Persée, date de 1300 av. J.-C. et protégait le palais d'Agamemnon, chef des Achéens lors de la Guerre de Troie, contre divers ennemis et démons.

On dénote également la Parade de Lions de la Porte d'Ishtar du palais de Babylone, datant du VIe siècle av. J.C., qui était autrefois considérée comme l'une des Sept Merveilles du monde. Ishtar était comparée au lion pour sa férocité et sa nature guerrière, tout comme l'était la déesse Égyptienne Sekhmet (La Puissante), fille du dieu solaire Ra. Plus de détails dans ce vidéo (en anglais).



Le conquérant macédonien Alexandre Le Grand, souvent représenté sous les traits d’Hercule portant la peau du lion de Némée, a peut-être apporté ce symbolisme du lion en Inde, où l’on retrouve le Chapiteau aux lions d’Ashoka (240 av. J.-C.) depuis devenu l’emblème du pays.

Le lion n'était pas présent en Orient et sa représentation provient probablement de son contact avec l'Inde. Appelés Kamainu au Japon, les lions de pierre servent de protecteurs et séparent le monde profane du monde sacré. Ils se retrouvent en Chine dès la dynastie Han (206 av. J.-C. – 220).  Assurant la même fonction, ils sont un type de Ménshen (Dieu de la Porte) placés devant l'entrée pour chasser les mauvais esprits. Les lions de pierre gardant les yamens (palais de justice) avaient également la réputation de prendre vie la nuit tombée. 

Les lions asiatiques sont traditionnellement sculptés dans une pierre comme le marbre et le granite, en bronze ou en fer. Les coûts élevés de ces matériaux font en sorte que leur usage était généralement réservé aux familles fortunées et à l'élite. Placé devant la maison familiale afin d’apporter santé et prospérité, ils représentent également un symbole de statut social. On voit une coutume similaire chez les rois médiévaux européens qui gardaient des lions dans leur ménagerie afin d'impressionner et de symboliser leur pouvoir.
Comme le décrivent ces représentations assyriennes datant de 645-635 av. J.-C., la chasse au lion était un rite de passage pour les princes voulant accéder au trône. Certains mythes indiquent qu’un lion ne blesse jamais un prince de sang et lui montre son respect. En Thaïlande, la plus vieille famille royale retrace ses origines en la personne de Singh, né de l’union entre une princesse et d'un lion. Le lion est également fondateur de plusieurs dynasties dans la mythologie africaine.
Dans le Judaïsme, le lion est le symbole de la tribu de Juda, l'une des douze tribus d'Israël et celle dont sont issus les rois de Juda et les rois d'Israël de lignée davidique. Selon la tradition, le Messie doit descendre de la famille de David; le Christ est donc appelé le Lion de Juda. On retrouve un concept similaire dans d’autres religions: le lion est le quatrième avatar de Vishnu, Krishna est le lion parmi les animaux, Bouddha le lion des Shakkya.
Le lion est un symbole de la résurection du Christ car l'on croyait à l'époque que les lionceaux naissaient morts-nés et que la vie leur était insufflée par leur père trois jours plus tard. Le lion est également l'une des facettes des Hayoth/Tétramorphes, créatures des Saintes Écritures ayant l'aspect d'un ange à quatre ailes et quatre faces: celles d'un homme, d'un lion, d'un aigle et d'un taureau. Les quatre facettes représenteraient les quatre évangélistes; le lion étant Saint Marc. La dépouille de l'évangéliste aurait été dérobée d'Alexandrie par des marins vénitiens et rammenée à Venise. Saint Marc serait alors devenu le saint patron de la ville et le lion ailé Tétramorphe son emblème. 

Est-ce à cause de cela qu’on associe souvent lion de pierre aux Italiens? Je l'ignore, mais craignant moi même une future hypothèque, je peux comprendre pourquoi ceux qui ont pu s'en libérer se sentent comme des rois!

samedi 2 novembre 2013

Une lettre vers l'au-delà prend combien de timbres?


Il n'y a pas meilleur temps pour débuter l'écriture d'un blog sur l'étrange que la période de l'Halloween, où les morts, sorcières et créatures des ténèbres sont plus présents que jamais. Mais que représentent ces festivités au juste? Pourquoi ce culte du macabre s'est-il ancré à ce temps-ci de l'année?
Halloween prends racine dans l'ancienne fête celte de Samain (se prononce grosso modo: "Sowene"), marquant la fin du calendrier celtique et le début de la nouvelle année. Il faut comprendre que les Celtes avaient une conception différente du temps. Selon eux, l'Univers naquit du Non-Univers, de l'Autre Monde où le temps, la matière et la lumière n'existent pas. Le monde venant après le néant, il était donc logique pour les Celtes que la journée débutait avec la nuit et et que la saison sombre précédait la saison claire. La fête célébrait donc la fin de la lumière et la préparation pour le renouveau.
Les célébrations débutaient généralement 3 jours avant Samain (le 1er novembre, donc débutant la nuit du 31 octobre) et se terminaient trois jours plus tard. La croyance voulait que le temps cessait d'exiter durant cette période, réduisant ainsi la frontière existant avec l'Autre Monde, celui des morts et des dieux. Les vivants pouvaient alors voir les esprits, et les morts en profitaient pour prendre corps.  Il s'agissait donc du meilleur moment pour honorer les morts, leur laisser de la nourriture et allumer des feux pour apaiser leur souffrance. La communication avec les défunt était également facilitée, et l’on pouvait même tenter d'obtenir d'eux un aperçu de l'avenir puisq'ils existaient désormais hors du temps.
Ces rites évoluèrent avec le temps en l’Halloween que l’on connait, mais un Samain plus près de ses origine est encore célébré aujourd'hui. Le 30 octobre dernier, la Concordia University Pagan Society (ou C.U.P.S.) tenait un rituel public de Samain à la Chapelle Loyola située sur le campus du même nom et ouverte aux pratiques de toutes religions.

Les participants (nous étions une bonne trentaine) étaient d'abords invités à venir s'assoir en cercle autours d'un autel sur lequel nous pouvions retrouver citrouilles et balais de sorcière côtoyant les éléments traditionnels de la wicca: chandelle, coupe, encens, etc. Les deux célébrants, un homme et une femme, procédaient ensuite à l’ouverture du cercle, préparatif du rituel consitant à créer un espace sacré en invoquant les esprits élémentaires ainsi que la Déesse et le Dieu wiccas afin de leur demander leur aide lors du rituel ainsi que leur protection contre toute entité négative.

Le rituel comme tel consistait à écrire une lettre destinée aux défunts et de la placer sur une cercle de tissus bleu entourant l'autel, symbolisant la rivière Styx. Selon la mythologie grecque, cette rivière entoure le monde terrestre le séparant de l’Hadès, le royaume des morts. Une chandelle était ensuite placée devant notre message, afin de guider les esprits à bon port. Les participants étaient ensuite invités à partager avec le groupe le contenu de leur message, faisant de ce rituel non seulement une communion avec les morts, mais également avec les vivants.
Le rituel terminé et le cercle sacré refermé, la cérémonie laissa place à la fête et au partage traditionnel de nourriture, symbolisant l'unité du groupe. J'avais prévu le coup et préparé pour l'occasion des biscuits au gingembre tirés du livre Witch in the Kitchen.

Inutile de dire qu'ils furent un succès. Un tireur de carte était même présent, perpétuant les pratiques de divinations associées à cette célébration. Tout en grignotant j'ai pu discuter davantage avec les autres particpants et découvrir des gens de tous les horizons, certains pratiquant la magie et d'autres simplement des curieux à l'esprit ouvert. Bien que ne se définissant pas tous comme des pratiquants de l'ancienne religion celte, la plupart trouvaient néanmoins important de venir encourager leur communauté à cet évenement. Celle-ci fut en effet ébranlée cette année par la fermeture de la boutique Le Mélange Magique, qui était un point de rendez-vous majeur des païens de Montréal.
Nous ne pouvons donc que saluer des initiatives telles que celles proposées par le C.U.PS. permettant à ces rites ancestraux de survivre encore aujourd'hui et d'enrichir le paysage spirituel de la ville. Avec un peu de chance, ils auront peut-être un coup de pouce venu de l’Autre Monde.