vendredi 20 mai 2016

Une nouvelle cité pour une nouvelle étoile



Le 18 mai dernier s’ouvrait l’édition 2016 de l’Expo-sciences pancanadienne au complexe athlétique de l’université McGill. Pendant trois jours, plus de 500 futurs savants du pays compétitionnent pour plus de 1 000 000$ en bourses d’études. Parmi les jeunes scientifiques qui présentent leurs recherches allant de l’impact du crachat sur le taux de glycémie dans le sang à la création d’un bracelet permettant aux non-voyants de se déplacer via écholocation, un participant sort du lot. Bien que l’exposition ne débute qu’à 10h, certains depuis plus d’une heure, vêtus d’un poncho pour l’occasion, devant le kiosque vide de la nouvelle coqueluche controversée de l’univers scientifique québécois : William Gadoury.

La nouvelle publiée par le Journal de Montréal il y a une dizaine de jours indiquant qu’il aurait découvert un citée maya perdue en s’appuyant sur une corrélation jusqu’ici inconnue entre le positionnement des constellations mayas et l’emplacement de leurs cités a depuis fait le tour de la planète. Les médias se l’arrachent au point tel que les organisateurs de l’événement avertissent les fans du jeune homme qu’il risque d’être absent pour toute la journée. Puis soudainement, se déplaçant au sein d’un troupeau de micros et de caméras, il arrive. L’attention est tellement captée par le jeune prodige de l’astronomie que peu remarquent qu’au même instant, à quelques pas de là, défile Chris Hadfield quasi anonymement.

C’est en s’intéressant aux supposées prophéties de fin du monde de 2012 que le jeune William attrape la piqure pour les Mayas. Il y découvre un peuple complexe ayant un penchant pour l’astronomie. Trouvant étrange le positionnement de leurs citées (loin des points d’eau, au sommet de montagnes, en terres peu fertiles), il se demande s’il n’y aurait pas un lien avec les astres. Il se décide alors de contacter l’Agence spatiale canadienne afin d’obtenir des cartes des étoiles surplombant le ciel de la région et découvre en 2014, du haut de ses treize ans, une corrélation quasi parfaite entre le positionnement des citées et leur alignement vis-à-vis les constellations. Selon William, plus l’étoile associée est brillante, plus son vis-à-vis terrestre avait de l’importance. Et ça ne s’arrête pas là, sa théorie s’appliquerait également à d’autres civilisations précolombiennes telles que les Aztèques et les Incas mais également aux civilisations harappéennes dans les régions de l’Inde et du Pakistan. Comment est-ce possible? William en a aucune idée, une découverte à la fois…


Ce n’est cependant pas la première fois qu’une théorie similaire voit le jour. En fait, un champ d’étude complet se consacre à l’étude du lien entre les corps célestes et les vestiges des anciennes civilisations : l’archéoastronomie. Les sujets d’études vont du rapport qu’entretient le site de Stonehenge avec les équinoxes qu’à l’alignement des pyramides d’Égypte avec les points cardinaux. Une des théories à propos des pyramides est qu’il existerait une corrélation entre le positionnement des célèbres pyramides de Gizeh et les étoiles composant le Baudrier d’Orion. Comme nous le verrons sous peu, cette constellation joue un rôle crucial dans la découverte de William.

Mais tout d’abord : comment est-ce possible que des civilisations aussi éloignées que celles d’Égypte et d’Amérique centrale partagent un intérêt pour les mêmes constellations issues de la culture greco-romaine? Bien que les représentations mythologiques des constellations varient d’une culture à l’autre, les étoiles qui les composent restent les mêmes. Une importance particulière est souvent portée aux étoiles suivant certains axes célestes. Notre zodiaque est basé sur les constellations suivant l’écliptique (trajectoire du soleil dans le ciel du point de vue de la Terre), alors que d’autres civilisations posèrent davantage leur regard sur celles suivant l’équateur céleste ou la Voie lactée, comme ce fut le cas pour les Mayas qui y voyaient la représentation du tronc de l’Arbre de Vie de leurs mythes.

Glyphe représentant la
Tortue et les 3 pierres

Pour en revenir à William, une chose clochait cependant : un trou se dessinait dans ses tracés célestes. Afin de compléter les liaisons qui pour nous forment Orion, il manquait une cité pour associer à l’étoile Saïph et ainsi clore le triangle formé avec les étoiles Rigel et Alnitak à l’intérieur duquel apparaît la nébuleuse d’Orion. Pour les Mayas, ces étoiles font partie de la constellation de la Tortue et les trois étoiles en question représentent les « ox tun », trois pierres qui soutiendraient le monde selon la légende, la nébuleuse en son centre représentant le feu cosmique créateur. Cette représentation se trouvaient également dans les habitations mayas où trois pierres posées dans le foyer soutenaient la plaque à tortilla, le tout installé au centre de la demeure, microcosme de l’univers. On associe également aux trois pierres la particularité des pyramides dites « en triade », où la pyramide principale est surmontée de trois autres structures. L’exemple le plus grandiose se trouve au sommet du Complexe Tigre, dans la cité d’El Mirador. Il s’agit d’ailleurs de l’une des citées qui viendrait compléter le triangle de la constellation (l’autre étant Calakmul). Coïncidence?
Constellation de la Tortue et son lien avec Orion
Bref, il manquait une cité pour associer à Saïph mais qu’à cela ne tienne. Calculant la position que lui indique sa théorie et accédant à des images satellites via Google Earth, l’Agence spatiale canadienne, l’Agence spatiale japonaise et la NASA, il croit déceler la pièce manquante du puzzle. Un récent feu de forêt dans la région semble mettre à jour des formes géométriques non naturelles. Demandant l’avis du Dr. Armand LaRocque, spécialiste en télédétection à l’Université du Nouveau-Brunswick, William reçoit la grande nouvelle : on semble effectivement y apercevoir une pyramide et une trentaine de structures, ce qui l’en ferait l’une des plus importantes cités mayas découvertes à ce jour. Comme tout grand explorateur, William baptise sa découverte. Il la nomme K’àak’ Chi’ soit Bouche de feu en l’honneur du foyer créateur légendaire.

La nouvelle n’est pas sans créer de remous. Tant que ses recherches ne seront pas publiées par une revue scientifique et qu’une équipe ne se rendra pas sur place afin de confirmer sa théorie, la communauté scientifique aura du mal à avaler qu’un important secret de la civilisation maya se trouvait tout juste au-dessus de leur tête. Cependant ce n’est qu’une question de temps car plusieurs revues scientifiques l’auraient déjà approché afin qu’il démontre en plus de détails sa théorie au reste de la planète. De même, pendant les courts moments que nous avons passés ensemble une productrice de la Colombie-Britannique lui dévoilait son intérêt de financer l’expédition de William afin de tourner un documentaire.

Alors, n'avons-nous affaire qu’à une étoile filante? Si l’on se fie au fait qu’il vient de remporter la médaille d’or dans sa catégorie accompagnée de bourses totalisant 5 000$, je crois plutôt que le feu cosmique continuera d’attiser sa passion pour quelques années encore.

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