Le 18 mai dernier s’ouvrait l’édition 2016 de l’Expo-sciences pancanadienne au complexe athlétique de l’université McGill. Pendant trois jours, plus de 500 futurs savants du pays compétitionnent pour plus de 1 000 000$ en bourses d’études. Parmi les jeunes scientifiques qui présentent leurs recherches allant de l’impact du crachat sur le taux de glycémie dans le sang à la création d’un bracelet permettant aux non-voyants de se déplacer via écholocation, un participant sort du lot. Bien que l’exposition ne débute qu’à 10h, certains depuis plus d’une heure, vêtus d’un poncho pour l’occasion, devant le kiosque vide de la nouvelle coqueluche controversée de l’univers scientifique québécois : William Gadoury.
La nouvelle publiée par le Journal de Montréal il y a une dizaine de jours indiquant qu’il aurait
découvert un citée maya perdue en s’appuyant sur une corrélation jusqu’ici
inconnue entre le positionnement des constellations mayas et l’emplacement de
leurs cités a depuis fait le tour de la planète. Les médias se l’arrachent au
point tel que les organisateurs de l’événement avertissent les fans du jeune
homme qu’il risque d’être absent pour toute la journée. Puis soudainement, se
déplaçant au sein d’un troupeau de micros et de caméras, il arrive. L’attention
est tellement captée par le jeune prodige de l’astronomie que peu remarquent
qu’au même instant, à quelques pas de là, défile Chris Hadfield quasi
anonymement.
C’est en s’intéressant aux
supposées prophéties de fin du monde de 2012 que le jeune William attrape la
piqure pour les Mayas. Il y découvre un peuple complexe ayant un penchant pour
l’astronomie. Trouvant étrange le positionnement de leurs citées (loin des
points d’eau, au sommet de montagnes, en terres peu fertiles), il se demande
s’il n’y aurait pas un lien avec les astres. Il se décide alors de contacter
l’Agence spatiale canadienne afin d’obtenir des cartes des étoiles surplombant
le ciel de la région et découvre en 2014, du haut de ses treize ans, une
corrélation quasi parfaite entre le positionnement des citées et leur
alignement vis-à-vis les constellations. Selon William, plus l’étoile associée
est brillante, plus son vis-à-vis terrestre avait de l’importance. Et ça ne
s’arrête pas là, sa théorie s’appliquerait également à d’autres civilisations
précolombiennes telles que les Aztèques et les Incas mais également aux
civilisations harappéennes dans les régions de l’Inde et du Pakistan. Comment
est-ce possible? William en a aucune idée, une découverte à la fois…
Ce n’est cependant pas la
première fois qu’une théorie similaire voit le jour. En fait, un champ d’étude
complet se consacre à l’étude du lien entre les corps célestes et les vestiges
des anciennes civilisations : l’archéoastronomie. Les sujets d’études vont
du rapport qu’entretient le site de Stonehenge avec les équinoxes qu’à
l’alignement des pyramides d’Égypte avec les points cardinaux. Une des théories
à propos des pyramides est qu’il existerait une corrélation entre le
positionnement des célèbres pyramides de Gizeh et les étoiles composant le
Baudrier d’Orion. Comme nous le verrons sous peu, cette constellation joue un
rôle crucial dans la découverte de William.
Mais tout d’abord :
comment est-ce possible que des civilisations aussi éloignées que celles
d’Égypte et d’Amérique centrale partagent un intérêt pour les mêmes
constellations issues de la culture greco-romaine? Bien que les représentations
mythologiques des constellations varient d’une culture à l’autre, les étoiles
qui les composent restent les mêmes. Une importance particulière est souvent
portée aux étoiles suivant certains axes célestes. Notre zodiaque est basé sur
les constellations suivant l’écliptique (trajectoire du soleil dans le ciel du
point de vue de la Terre), alors que d’autres civilisations posèrent davantage
leur regard sur celles suivant l’équateur céleste ou la Voie lactée, comme ce
fut le cas pour les Mayas qui y voyaient la représentation du tronc de l’Arbre
de Vie de leurs mythes.
Pour en revenir à William, une
chose clochait cependant : un trou se dessinait dans ses tracés célestes. Afin
de compléter les liaisons qui pour nous forment Orion, il manquait une cité
pour associer à l’étoile Saïph et ainsi clore le triangle formé avec les
étoiles Rigel et Alnitak à l’intérieur duquel apparaît la nébuleuse d’Orion. Pour
les Mayas, ces étoiles font partie de la constellation de la Tortue et les
trois étoiles en question représentent les « ox tun », trois pierres qui
soutiendraient le monde selon la légende, la nébuleuse en son centre
représentant le feu cosmique créateur. Cette représentation se trouvaient
également dans les habitations mayas où trois pierres posées dans le foyer
soutenaient la plaque à tortilla, le tout installé au centre de la demeure,
microcosme de l’univers. On associe également aux trois pierres la
particularité des pyramides dites « en triade », où la pyramide
principale est surmontée de trois autres structures. L’exemple le plus
grandiose se trouve au sommet du Complexe Tigre, dans la cité d’El Mirador. Il
s’agit d’ailleurs de l’une des citées qui viendrait compléter le triangle de la
constellation (l’autre étant Calakmul). Coïncidence?
Constellation de la Tortue et son lien avec Orion
|
Bref, il manquait une cité pour
associer à Saïph mais qu’à cela ne tienne. Calculant la position que lui indique
sa théorie et accédant à des images satellites via Google Earth, l’Agence
spatiale canadienne, l’Agence spatiale japonaise et la NASA, il croit déceler
la pièce manquante du puzzle. Un récent feu de forêt dans la région semble mettre
à jour des formes géométriques non naturelles. Demandant l’avis du Dr. Armand
LaRocque, spécialiste en télédétection à l’Université du Nouveau-Brunswick, William
reçoit la grande nouvelle : on semble effectivement y apercevoir une
pyramide et une trentaine de structures, ce qui l’en ferait l’une des plus
importantes cités mayas découvertes à ce jour. Comme tout grand explorateur,
William baptise sa découverte. Il la nomme K’àak’ Chi’ soit Bouche de feu en
l’honneur du foyer créateur légendaire.
La nouvelle n’est pas sans
créer de remous. Tant que ses recherches ne seront pas publiées par une revue
scientifique et qu’une équipe ne se rendra pas sur place afin de confirmer sa
théorie, la communauté scientifique aura du mal à avaler qu’un important secret
de la civilisation maya se trouvait tout juste au-dessus de leur tête.
Cependant ce n’est qu’une question de temps car plusieurs revues scientifiques
l’auraient déjà approché afin qu’il démontre en plus de détails sa théorie au
reste de la planète. De même, pendant les courts moments que nous avons passés
ensemble une productrice de la Colombie-Britannique lui dévoilait son intérêt
de financer l’expédition de William afin de tourner un documentaire.
Alors, n'avons-nous affaire qu’à
une étoile filante? Si l’on se fie au fait qu’il vient de remporter la médaille d’or dans sa catégorie accompagnée de bourses totalisant 5 000$, je crois
plutôt que le feu cosmique continuera d’attiser sa passion pour quelques années
encore.
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