mercredi 13 août 2014

Toilette publique

Bien que le Festival Juste pour rire ait toujours eu un peu d'humour scatologique à sa programmation, il réussit encore à innover et tester nos limites. Cette année la Place des Festivals de Montréal eut droit à une toilette publique bien particulière, permettant à ses utilisateurs de ne manquer aucun numéro extérieur, et ce même s'ils devaient faire un Numéro 2.

Conçue avec le soutien de Cottonelle, la cabine de la Toilette Panoramique était composée de miroirs semi-réfléchissants, tout comme ceux utilisés par la police lors de leurs interrogatoires. Assis sur le trône, les utilisateurs pouvaient alors voir sans problème les gens faisant la file à l'extérieur, alors que ces derniers en profitaient pour se replacer une couette devant le miroir. Gaven Dumont, directeur des relations publiques à The Montreal Office, agence qui approcha Cottonelle pour le Festival, indique que cette toilette inusité s’inscrivait parfaitement dans leur campagne promotionnelle. Tout en comédie, elle permettait de faire réfléchir les usagers sur leur hygiène personnelle. De par sa frontière brouillée entre l’intérieur et l’extérieur, si l’on réussit à se sentir à l’aise et en confiance dans le cabinet, on le sera automatiquement à l’extérieur. Cela reflétait bien la philosophie des produits du commanditaires, selon laquelle l’assurance dans la sphère publique passe d’abord par une bonne hygiène dans la sphère privée. Si vous êtes déçu d'avoir manqué cette occasion de montrer votre côté exhibitionniste n’ayez crainte, Juste pour rire prévoit de réinstaller la Toilette Panoramique lors de la prochaine édition du Festival.
Vue panoramique depuis l'intérieur de la Toilette... Panoramique
Bien qu'original, le concept n'est pas nouveau. En 2002, l'artiste Patrick Killoran installa son oeuvre "Glass Outhouse" au Sculpture Centre de New York. L'année suivante, l'artiste italienne Monica Bonvicini installa l'oeuvre "Don't Miss a Sec" devant la Tate Britain à Londres. Selon l'artiste, en plus de permettre aux utilisateurs de sa toilette de ne pas manquer un instant de se qui se passe à l'extérieur, l'oeuvre avait pour but de porter à réfléchir sur la frontière entre ce qui est public et ce qui est privé, ainsi que du besoin profond de notre société de devoir absolument tout voir.

Deux toilettes de verre inspirées de son oeuvre sont également installées en permanence à Suphur Springs au Texas.


Des toilettes de ce genre ont également trouvé place dans des restaurants. À New York, le restaurant Spice (anciennement connu sous le nom plus approprié de Peep) offre également une expérience culinaire hors du commun puisque toutes les toilettes sont en verre semi-réfléchissant. Ayant reçu la commande de rendre ce restaurant thaïlandais sexy, le designer Stefan Boublil a immédiatement pensé au thème du voyeurisme. Outre les toilettes, le plafond est en miroir, le plancher en alluminium poli, le tout est éclairé de néons roses et accompagné par le film “Sex, Lies and Videotape” qui joue en boucle.

Le phénomène est également présent de l’autre côté de la planète. Ouvert en 1997 à Darwin en Australie, le Buzz Café excelle dans les soirées bien arrosées. En effet, la surface des urinoirs pour homme est une baie vitrée semi-réfléchissante qui donne directement sur la salle à manger! Des urinoirs semblables furent également installé au bar Felix, au sommet du Peninsula Hotel de Hong Kong. Avec vue sur la ville, la surface y est cependant complètement transparente, laissant à l'altitude le soin de procurer de l'intimité aux utilisateurs. Depuis quelques temps cependant, des urinoirs en marbre ont été ajoutés.

Que se cache-t-il derrière cette tendance des cabinets transparents? En être l’utilisateur nous permet-il d’être plus conscient de notre hygiène ou nous transforme-t-il en voyeur? Les vrais voyeurs ne sont-ils pas plutôt ceux qui tentent d’avoir un aperçu de l’autre côté du miroir? Faire ses besoins aura rarement soulevé tant de questions philosophiques.