dimanche 31 août 2014

Les ombres de Magnotta

Dans quelques semaines débutera le procès de Luka Rocco Magnotta, accusé du meurtre prémédité de l'étudiant chinois Jun Lin le 24 mai 2012. Le meurtre sadique fit d'abord les manchettes lorsque des parties du corps de la victime furent envoyées par la poste au Parti Conservateur Canadien. Une vidéo fut ensuite mise en ligne démontrant Magnotta tuer Lin sauvagement puis s’adonner au cannibalisme et à la nécrophilie. Suite à une cavale internationale de quelques jours, il fut arrêté à Berlin et plaide actuellement non coupable.
Différentes facettes du "Peuple de l'ombre"

Parmi les détails sordides de l’histoire, un a particulièrement retenu mon attention. En 2007 Magnotta écrivit sur le défunt site Orato.com un article décrivant son expérience avec les « shadow people » et ses théories sur le sujet. Dans l’article intitulé Shadow People: The Growing Phenomenon Magnotta raconte qu’un soir alors qu’il venait de s’endormir en écoutant la télé, il fut réveillé par un bruit sourd. Croyant qu’un intrus était dans son appartement, il garda les yeux à demi fermés et c’est alors qu’il aperçut dans son placard une ombre ayant une silhouette humaine qui semblait fouiller à travers ses manteaux et chaussures. Dès qu’il s’est levé pour allumer la lumière et prendre un bâton de baseball, l’ombre a immédiatement disparue. Marqué par cette expérience, Magnotta décrit ensuite les différentes théories concernant les « shadow peoples » qu’il a trouvés en cherchant sur le web.

L’observation du « peuple de l’ombre » est un phénomène qui semble avoir prit de l’ampleur depuis une quinzaine d’années. Similaire aux apparitions de fantômes, les « ombres » ont parfois une masse informe, parfois une silhouette humaine. Ils sont composés uniquement d’ombre, sans avoir de traits particuliers autres que d’occasionnels yeux rouges ou jaunes. Leur comportement varie selon les témoignages, étant parfois immobiles et semblant observer les témoins, parfois furtifs et parcourant une pièce à grande vitesse.

Les tenants du surnaturel ne semblent pas s’entendre sur la nature de ces créatures. Certains les considèrent comme des fantômes, alors que d’autres croient qu’il s’agit de démons, d’êtres extra-dimensionnels, de voyageurs du temps ou même d’extraterrestres. Dans le camp scientifique, on croit plutôt qu’il s’agit d’illusions ou d’hallucinations pouvant être causées par le sommeil, les champs électromagnétiques ou une forme d’épilepsie.

L’utilisation de narcotiques et de psychotropes incluant les métamphétamines, la cocaïne, l’ecstasy et le LSD, de dopaminergiques comme le pramipexole ou de médicaments comme la diphenhydramine (ex : Benadryl) et la pseudoephedrine peuvent également produire ce type d’hallucination. L'utilisation du psychotrope benzylpipérazine (sel de bain) est une piste particulièrement intéressante à explorer. L’épisode du 20 février 2012 de l’émission Intervention du réseau A&E suit Skyler, un consommateur de sels de bains qui dit voir des « shadow people » (qu’il appelle égale des « phase people ») et qui fabrique différentes armes à l’aide de bâtons de golf pour les combattre.

Skyler fut plus tard diagnostiqué avec un syndrome schizo-affectif, il est donc difficile de déterminer si ses hallucinations furent bel et bien causées par la drogue. Un autre cas, celui d'une ex-consommatrice de 19 ans de Kingsport, vient appuyer la connexion entre sels de bain et les « ombres ». La jeune femme dit avoir essayé de s’ouvrir la jambe au couteau sous l'influence de la drogue car elle croyait qu’il y avait des vers à l’intérieur. Elle dit également avoir vu des « shadow peoples » qui venaient chez elle pour la voler. Également, l’émission de Jane Velez-Mitchell sur le réseau CNN du 6 juin 2012 intitulée Designer Drugs Causing Violent Behavior? présente le témoignage de Tyler, un ex-consommateur de sels de bains qui dit en être arrivé au point de voir ces « shadow peoples ». Il décrit que sous l’influence de la drogue, il se sentait comme possédé et devenait paranoïaque. Il n’en a consommé que pendant deux mois, mais il est convaincu que s’il avait continué, il serait également devenu cannibale.

Cette dernière observation est intéressante en rapport au cas Magnotta car la consommation de sels de bain fut liée à une série d’attaques violentes souvent impliquant des actes cannibales lors de l'été 2012. Le 2 juin 2012 en Louisiane, Carl Jacquneaux alors sous l'influence des sels de bains mordit Todd Credeur au visage lors d'une attaque. Cet incident survint quelques jours après qu’une attaque similaire eut lieu à Miami le 26 mai. Rudy Eugene s’y dénuda et mangea le visage du sans-abri Ronald Poppo. Un policier dû décharger son arme pour l'arrêter, car bien que criblé de balles Eugene continuait son attaque. Bien qu’il fut fortement soupçonné d’être sous l’influence des sels de bain, le rapport toxicologique n’a trouvé que des traces de marijuana. Le mystère persiste quant aux motifs de son attaque.

Sans aucunement vouloir réduire le meurtre de Jun Lin à un simple bad trip, se pourrait-il que la consommation de psychotropes du type sel de bain ait un rôle à jouer dans cette attaque sauvage? Est-elle le lien entre l'attaque cannibale et les visions précédentes de "shadow people" décrites par Magnotta? Les réelles motivations de meurtre horrible resteront peut-être toujours dans l'ombre.

mercredi 13 août 2014

Toilette publique

Bien que le Festival Juste pour rire ait toujours eu un peu d'humour scatologique à sa programmation, il réussit encore à innover et tester nos limites. Cette année la Place des Festivals de Montréal eut droit à une toilette publique bien particulière, permettant à ses utilisateurs de ne manquer aucun numéro extérieur, et ce même s'ils devaient faire un Numéro 2.

Conçue avec le soutien de Cottonelle, la cabine de la Toilette Panoramique était composée de miroirs semi-réfléchissants, tout comme ceux utilisés par la police lors de leurs interrogatoires. Assis sur le trône, les utilisateurs pouvaient alors voir sans problème les gens faisant la file à l'extérieur, alors que ces derniers en profitaient pour se replacer une couette devant le miroir. Gaven Dumont, directeur des relations publiques à The Montreal Office, agence qui approcha Cottonelle pour le Festival, indique que cette toilette inusité s’inscrivait parfaitement dans leur campagne promotionnelle. Tout en comédie, elle permettait de faire réfléchir les usagers sur leur hygiène personnelle. De par sa frontière brouillée entre l’intérieur et l’extérieur, si l’on réussit à se sentir à l’aise et en confiance dans le cabinet, on le sera automatiquement à l’extérieur. Cela reflétait bien la philosophie des produits du commanditaires, selon laquelle l’assurance dans la sphère publique passe d’abord par une bonne hygiène dans la sphère privée. Si vous êtes déçu d'avoir manqué cette occasion de montrer votre côté exhibitionniste n’ayez crainte, Juste pour rire prévoit de réinstaller la Toilette Panoramique lors de la prochaine édition du Festival.
Vue panoramique depuis l'intérieur de la Toilette... Panoramique
Bien qu'original, le concept n'est pas nouveau. En 2002, l'artiste Patrick Killoran installa son oeuvre "Glass Outhouse" au Sculpture Centre de New York. L'année suivante, l'artiste italienne Monica Bonvicini installa l'oeuvre "Don't Miss a Sec" devant la Tate Britain à Londres. Selon l'artiste, en plus de permettre aux utilisateurs de sa toilette de ne pas manquer un instant de se qui se passe à l'extérieur, l'oeuvre avait pour but de porter à réfléchir sur la frontière entre ce qui est public et ce qui est privé, ainsi que du besoin profond de notre société de devoir absolument tout voir.

Deux toilettes de verre inspirées de son oeuvre sont également installées en permanence à Suphur Springs au Texas.


Des toilettes de ce genre ont également trouvé place dans des restaurants. À New York, le restaurant Spice (anciennement connu sous le nom plus approprié de Peep) offre également une expérience culinaire hors du commun puisque toutes les toilettes sont en verre semi-réfléchissant. Ayant reçu la commande de rendre ce restaurant thaïlandais sexy, le designer Stefan Boublil a immédiatement pensé au thème du voyeurisme. Outre les toilettes, le plafond est en miroir, le plancher en alluminium poli, le tout est éclairé de néons roses et accompagné par le film “Sex, Lies and Videotape” qui joue en boucle.

Le phénomène est également présent de l’autre côté de la planète. Ouvert en 1997 à Darwin en Australie, le Buzz Café excelle dans les soirées bien arrosées. En effet, la surface des urinoirs pour homme est une baie vitrée semi-réfléchissante qui donne directement sur la salle à manger! Des urinoirs semblables furent également installé au bar Felix, au sommet du Peninsula Hotel de Hong Kong. Avec vue sur la ville, la surface y est cependant complètement transparente, laissant à l'altitude le soin de procurer de l'intimité aux utilisateurs. Depuis quelques temps cependant, des urinoirs en marbre ont été ajoutés.

Que se cache-t-il derrière cette tendance des cabinets transparents? En être l’utilisateur nous permet-il d’être plus conscient de notre hygiène ou nous transforme-t-il en voyeur? Les vrais voyeurs ne sont-ils pas plutôt ceux qui tentent d’avoir un aperçu de l’autre côté du miroir? Faire ses besoins aura rarement soulevé tant de questions philosophiques.