dimanche 21 septembre 2014

L'invasion des piranhas végétariens

L'été est maintenant officiellement terminé, j'espère que vous en avez profité pour faire une saucette dans l'un des merveilleux lacs et rivières du Québec. Nous n'avons peut-être pas les belles plages des Tropiques, mais nos eaux sont aussi accueillantes que les lagons du sud. En effet, dans les dernières années différentes espèces exotiques y furent repêchées telle qu'un diable rouge dans l'archipel Lac Saint-Pierre en 2012 et un poisson tête de serpent d'Indonésie sur les berges de la rivière Saint-Charles en 2010. Une autre espèce semble visiter les régions nordiques de plus en plus régulièrement. Il s'agit des pacus, mais vous connaissez sûrement davantage leurs cousins... les piranhas.

La dernière apparition de l'espèce au Québec remonte au 8 juin 2012, où un pacu rouge fut pêché dans la rivière Saint-François, tout près du barrage de la centrale de Drummondville. Le pacu semble également attiré par l'Europe; un pacu fut capturé dans le détroit d'Oresund en Suède en août 2013, et dans la Seine en France en septembre de la même année. En mai dernier, c'est son cousin le piranha qui fut retrouvé à Vosges en France. Au pays, le pacus et piranhas ont également visités par le passé la rivière Châteauguay, le Canal Rideau ainsi que la Colombie-Britannique. 

Pacu rouge retrouvé dans la rivière Saint-François le 8 juin 2012
Devrions-nous nous inquiéter de la récente apparition du pacu dans la rivière Saint-François? Selon Philippe Brodeur, biologiste au Ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs, nous n'avons pas à craindre de perdre nos orteils. Contrairement à leurs cousins les piranhas, les pacus sont omnivores et bien qu'ils se nourrissent à l'occasion de mollusques et d'insectes, il sont davantage attirés par la végétation et les noix que par la chair humaine. Bien qu'ils puissent survivre en été, les pacus et piranhas attraperaient leur coup de mort lors de nos hivers rigoureux. Comment se sont-ils retrouvés dans nos eaux alors? Les principaux suspects sont les aquariophiles, qui collectionnent ces espèces exotiques. Les pacus et piranhas ayant une très forte croissance, il arrive qu'ils soient rejetés à l'eau lorsqu'il deviennent trop à l'étroit dans leur bocal.

Si le cas du pacu n'inquiète pas le gouvernement, la problématique de l'introduction d'espèces exotiques dans notre écosystème est prise très au sérieux. L'une des espèce les plus commune dans les aquarium, les poissons rouges, ne devraient normalement pas se retrouver dans nos cours d'eau mais s'y propagent de plus en plus. Cette introduction met en péril l'équilibre naturel, les espèces envahissantes prenant l'espace et la nourriture des espèces indigènes, et étant également de potentiels porteurs de maladies et parasites étrangers. D'autres espèces qui se propagent à un rythme inquiétant sont la carpe asiatique, qui peut manger jusqu'à 40% son poids quotidiennement et qui pourrait se croiser avec nos espèces de carpes locales et ainsi mieux se propager, ainsi que le gobie à tâche noire, qui fut introduit non pas par les aquariophiles mais par le rejet de l'eau des ballast des navires commerciaux.

Pour en revenir aux pacus et piranhas, le danger de propagation n'est pas totalement écarté. Quoique la probabilité soit mince, le réchauffement des eaux du Québec pourrait permettre à l'espèce de survivre. Outre le réchauffement climatique, la pollution thermique causée par les eaux usées et les systèmes de refroidissement d'usines pourraient créer des zones plus tempérées. C'est ce qui est arrivé près des panaches thermiques de la centrale nucléaire Gentilly-2, où une population de moule, la petite corbeille d'Asie, fut retrouvée. Cette espèce qui aurait normalement dû être éradiquée par les eaux froides réussit tout de même à survivre et à se reproduire, augmentant ainsi les risques d'adaptation à notre climat.

Faites donc bien attention si jamais vous souhaitez vous rafraichir près d'une centrale nucléaire ou hydroélectrique, les pacus sont peut-être dans les parages. Il ne s'agit peut-être que d'histoires de pêches, mais on raconte qu'en 2001, deux pêcheurs de Papouasie seraient morts au bout de leur sang après s'être fait dévoré les testicules par des pacus. Il ne faudrait s'en étonner... après tout ils raffolent des noix.